P5 Commande d’une centrale de production de biogaz

De Wiki de Projets IMA

Tuteurs : Midzodzi PEKPE

Présentation du Projet

Contexte

De nos jours, la gestion des déchets constitue un immense défi pour beaucoup de villes dans le monde. L’utilisation de ces déchets afin de produire de la biomasse est une solution plus qu'intéressante. Cette énergie intéresse les pays riches confrontés au changement climatique et à la perspective d'une crise des ressources en hydrocarbures, fossiles ou uranium. Mais aussi les pays pauvres, qui trouvent en elle, une source d'énergie intarissable. Elle répond, en effet, à des enjeux et objectifs de développement durable et potentiellement d'économie circulaire. Substituer la biomasse aux énergies fossiles contribue à réduire l'émission de gaz à effet de serre.

Objectif

Modéliser et commander la production de méthane dans une centrale de production de biogaz

Description

Le travail commencera par la modélisation du système sous Matlab Simulink, puis la détermination des méthodes de commande appropriées pour le pilotage du système. La mise en œuvre de la commande sélectionnée sera la dernière étape de ce projet. Ce projet se fera en partenariat avec le centre de production de biogaz de Safi Sana.

Références bibliographique

Modélisation de la qualité du biogaz produit par un fermenteur méthanogène et stratégie de régulation en vue de sa valorisation de Jonathan Hess.

Modélisation des processus biochimiques de la méthanisation [ http://hmf.enseeiht.fr/travaux/bei/beiere/book/export/html/2247]

Dynamical model development and parameter identification for an anaerobic wastewater treatment process

Biogas Production Modelling: A Control System Engineering Approach

Dynamical Model Development and Parameter Identification for an Anaerobic Wastewater Treatment Process (Bernard et al. 2001)

Travail réalisé

Préliminaire

Une centrale de biogaz est composée de plusieurs cuves étanches, appelées digesteur, dans lesquelles se produit le processus de fermentation. En absence d'oxygène, des bactéries dégradent la matière organique en biogaz. Les principaux produits de cette décomposition anaérobie sont le méthane, gaz de la famille des alcanes riche en énergies, et le dioxyde de carbone. Ces produits forment ainsi le biogaz qui peut être par la suite utilisé dans la production d'électricité ou du chauffage. La diversité des « matières premières » du biogaz peut permettre à de nombreux pays d’avoir accès à cette ressource. Elle peut ainsi réduire leur dépendance au pétrole et autre matières premières fossiles, et accroître leur indépendance énergétique.

Schema metha.jpg

Mon travail a débuté par un important travail de recherche afin de comprendre les phénomènes biochimiques qui se produisent à l'intérieur de ces digesteurs. Cependant la modélisation de ces processus biochimiques est un exercice assez difficile. En effet, il n'existe pas de lois ou de modèles universels à contrario de la Physique où des modèles connus et validés peuvent servir de base à la construction des modèles.

La Méthanisation

La méthanisation [2] est la dégradation anaérobie (en l’absence d’oxygène) de la matière organique produisant principalement du méthane et du dioxyde de carbone. Ce processus se déroule en quatre étapes : hydrolyse, acidogénèse, acétogénèse et méthanogénèse

Schema meth.jpg

Hydrolyse et Acidogénèse

Au cours de cette réaction, la matière organique complexe est désintégrée en acides organiques, alcools CO2 et hydrogène.

Acétogénèse

Durant cette étape, les produits de la précédente étape se transforment en initiateur de la méthanogénèse. : L’acétate, le CO2 et l’hydrogène. L'acidogénèse et l'acétogénèse présentent un optimum de vitesse de réaction pour des valeur de pH allant de 5,2 à 6,2.

Méthanogénèse

Lors de cette dernière réaction, le méthane est produit par des bactéries méthanogènes. Il existe deux voies de production du méthane : la transformation de l'acétate en méthane et dioxyde de carbone, et la transformation du dioxyde de carbone et du dihydrogène en méthane et en eau. La méthanogénèse présente un optimum de vitesse de réaction pour des valeur de pH allant de 6,5 à 7,6.

Des chercheurs ont pu établir des modèles permettant de décrire le processus de méthanisation : ADM1 et AM2.

Le Modèle ADM1

Ce modèle repose sur un bilan entrée/sortie de demande chimique en oxygène (DCO). Il considère 5 étapes pour la digestion anaérobie impliquant 7 espèces bactériennes. En effet, les 4 étapes présentées plus haut, à savoir l’hydrolyse, l’acidogénèse, l’acétogénèse et la méthanogénèse, sont précédées de la solubilisation de l’ensemble des particules. On ajoute aussi à ces processus biochimiques (les équilibres acide/base et les transferts entre les phases liquide et gazeuse). Néanmoins bien que ce modèle soit séduisant de par l’exhaustivité des phénomènes qu’il permet de décrire, sa complexité (26 équations et plus de 80 paramètres) en font un système fortement non-linéaire. Un autre modèle, dénommé AM2, synthétise les principaux flux de masse en ne considérant que deux populations bactériennes : les acidogènes et les méthanogènes. C’est ce modèle que je vais utiliser car sa structure simple permet le développement d’observateur et de commande, la base de mon projet.

Le Modèle ADM2

L’objectif de mon projet est d’utiliser un modèle pouvant être analysé mathématiquement pour déduire des lois de commande. Le modèle AM2 fut développé dans le cadre d'un projet européen sur la modélisation et le contrôle de procédés de digestion anaérobie. Les étapes de la digestion anaérobie sont réduites à 2, à savoir l'acidogénèse et la méthanogénèse. Et seuls deux substrats et deux groupes bactériens sont considérés. Ce procédé est représenté de façon macroscopique par le schéma réactionnel suivant:

Capt rea.PNG

les quantités µ(S)X représentent les vitesses de réaction.

Lors de l'acidogénèse, La biomasse acidogène (X1) transforme le substrat organique S1 en dioxyde de carbone et en acide gras volatils(AGV) (S2). Et durant la méthanogénèse, Les bactéries méthanogènes (X2) présentes dans le digesteur consomment les AGV (S2) et les transforment en méthane et en dioxyde de carbone.

Ce modèle définit un vecteur d’état ζ=(X1, X2, Z, S1, S2, C) avec

X1: Concentration de la population acidogène

X2: Concentration de la population méthanogène

Z: Alcalinité total du réacteur (Permet de réguler le pourcentage de CO2)

S1: Concentration en substrat dans le réacteur

S2: Concentration en AGV dans le réacteur

C: Concentration totale en carbone inorganique

L’évolution des variables de ce vecteur pour un réacteur à lit fixe est la suivante:

AM2.PNG

μ1(S1): Taux de croissance de la population acidogène selon la formule de Monod

μ2(S2): Taux de croissance de la population méthanogène selon la formule de Haldane

qC : Débit volumique de CO2

qM: Débit volumique de méthane

PC: Pression partielle de CO2

D: Taux de dilution

α: Pourcentage de biomasse

k1:Rendement de la dégradation du substrat

k3:Rendement de la dégradation des AGV

et k2, k4, k5, k6 respectivement le rendement de production des AGV, CO2, CO2 et CH4

Modélisation

Boite noire

Une manière de modéliser le système serait de le considérer comme une boite noire ayant comme entrée le volume de substrat et en sortie, le volume de gaz. Ce système caractérisé par une fonction de transfert du premier ordre.


Les paramètres de cette fonction sont déterminés à partir de la courbe de réponse du système réel à un échelon. Le problème avec cette méthode c’est que je n’ai pas de digesteur à ma disposition. J’ai dû alors me tourner vers des données d’articles scientifiques et j’ai pu identifier et obtenir la fonction de transfert suivante : H(p)= 202/1+21.3p

Boite blanche

Connaissant l’ensemble des équations d’état, on peut essayer de deviner l’évolution des variables d’état du système en les résolvant. C’est ce que j’ai entrepris en mettant en place une simulation sous simulink qui les résout une par une

Blanche1.PNG

Cependant cette approche est fastidieuse et peut introduire des erreurs. Aussi la linéarité du système pas assurée. En effet , pour une entrée de 160 kg/j (le point de fonctionnement de la centrale de Sequedin) nous obtenons une sortie non linéaire

entrée 160 kg/j

Alors que si nous soumettons le système à une entrée modeste (10 kg/j), le système réagit d'une manière linéaire.

entrée 10 kg/g


Aussi cette méthode ne me permet d'obtenir que le débit de méthane pas celui biogaz, en effet j'ai eu du mal resoudre l'ensemble des équations une par une j’ai donc cherché une autre manière de présenter les équations différentielles, et j’ai choisi de les représenter sous forme matricielle. Soit le vecteur d’ état ζ=(S1, S2, X1, X2, C), on obtient alors comme équation matricielle :

Matricel.PNG

J’ai donc mis en place une simulation représentant ce modèle avec des fonctions matlab

Nonlin.PNG

on peut représenter le système sous la forme de la représentation d’état. Une représentation d'état permet de modéliser un système dynamique sous forme matricielle en utilisant du vecteur d'état ζ=(S1, S2, X1, X2, C).

      X'=AX+Bu
      Y=CX+Du

A: Matrice d’état contenant les variables d’état B: Matrice de commande C: Matrice d’observation permettant de déterminer les variables d’état qu’on souhaite voir D: Matrice d’action directe Cette représentation permet de déterminer l'état du système à n'importe quel instant futur si l'on connaît l'état à l'instant initial et le comportement des variables exogènes qui influent sur le système. On obtient alors comme matrice A :

Matrice2.PNG

Et on calcul la matrice K de sorte que le nouveau système soit 3 fois plus rapide que le précédent

Lin.PNG

On obtient comme réponse :

Replin.PNG

On implémente la commande sur le modèle non-linéaire autour du même point de fonctionnement :

Lincom.PNG

Visite de la centrale de Sequedin

J'ai entrepris la visite de la centrale de Sequedin exploité par veolia. Cette visite de deux heures m'a permis d'assimiler le process de production, de l'arrivée de la matière première à la production du biogaz.

Arrivage et pré-fermentation

Il existe deux types de matières premières pour une centrale de méthanisation : les matières liquides (boues, lisiers, graisses) et les matières solides (biodéchets, lisiers, déchets d’abattoir). Veolia, gérant du centre de valorisation organique, n’utilise que que les biodéchets. Les biodéchets sont d’abord broyés et sélectionnés, la partie fine (<55 mm) est dirigée vers une zone de fermentation où elle sera chauffé en présence d’oxygène afin de préparer la dégradation organique de la phase de méthanisation.

Méthanisation

La méthanisation se déroule dans un digesteur de type « piston » : la matière première entrante pousse vers la sortie la même quantité de matières traités. Entre l’entrée et la sortie du digesteur s’écoule une durée de 21 jours.

Digesteur.png


Elle se déroule en milieu anaérobie (sans oxygènes) à la température de 37° ou 57°. On maintient le digesteurs à ces température grâce à de l’eau chauffé par une chaudière fonctionnant au biogaz. Des brasseurs fonctionnant par intermittence permettent au biogaz de migrer vers la partie supérieur du digesteur. Deux produits sortent du digesteur : le digestat qui est pressé pour en sortir de l’eau, et le biogaz. Le digestat est ensuite mélangé à la partie moyenne de biodéchets broyés (>55 mm) puis envoyé en compostage.

Compostage intensif

Au cours de cette étape, le digestat est maintenu à une température de 55° C pendant 3 semaines dont une étape d’une heure à 70° C pour éliminer l’ensemble des pathogènes.

Compostage.PNG

La maturation

La maturation est réalisée dans un halle fermé et couvert mais perméable à l’air. L’aeration du compost permet de baisser sa température et son humidité, ce qui permet sa stabilisation. A l’issue de 21 jours de post-compostage, le compost obtenu est à parfaite maturation et apte à être utiliser.

Capteur logiciel

Observateur classique

Après la prise de contact avec le CVO, on m’a informé qu’ils ne disposaient pas des données à la sortie du digesteur. C’est alors que j’ai entrepris la démarche de mettre en place un capteur logiciel permettant l’estimation des variables d’état du système. Cependant, après vérification, ce système n’est pas observable (il y a un état inobservable). Néanmoins il existe un théorème de décomposition qui stipule qu’il existe une matrice T tel que Xi=TX et transforme le système en :

Etatobs.PNG

Avec NO: non-observable et O : observable.

Avec ce nouveau système, j’ai donc pu mettre en place l’observateur :

Visuobs.PNG

Et procédé aux simulations: Les variables estimées suivent parfaitement celles du système

Observateurl.PNG


Cependant pour palier aux bruits d’état et aux bruits de mesures, j’ai aussi procédé à l’implantation d’un observateur de Kalman-Bucy.

Observateur de Kalman Bucy

Il s’agit du même type de la même démarche que l’observateur classique, mais ici on ajuste le gain en fonction des bruits d’état et de mesures. Le workspace est divisé en 3 : le système, l’estimateur et le calcul du gain.

Kalman2.PNG


Cependant l’observateur que j’ai défini ne supprime pas totalement les bruits, il faudrait donc revoir l’estimation des bruits :

Kalman etat.PNG


Conclusion et perspectives

Au cous de ce projet j’ai pu acquérir des connaissances dans le domaine des biogaz, de par mes recherches et mes diverses discussions avec les professionnels du secteur. J’ai pu aussi revoir et perfectionner mes connaissances en automatique. Ayant mis en place le système de régulation à partir de la modélisation d’un digesteur, une suite à ce projet serait de modéliser un la phase d’épuration, elle aussi non linéaire et de faire la régulation de celle-ci, afin d’avoir une régulation d’ensemble de la centrale.

Livrables

Rapport intermédiaire : Fichier:Rapport intermediaire.pdf

Fichiers Matlab : Fichier:Fichiers Matlab.zip

Rapport final : Fichier:RapportPFE.pdf